De 1997 à 2000, un programme thématique « Archives de la création » du département SHS du CNRS inaugurait en France deux décennies d’innovations dans un domaine en grande partie à découvrir. La journée d’étude proposée invité à un retour d’expériences parmi les plus récentes et dans des domaines diversifiés (littérature, cinéma, théâtres, arts plastiques etc..), héritières de cette impulsion décisive. En effet, le paysage peu à peu décanté a pu révéler les liens nourris entre trois parties prenantes, ayant chacune sa fonction, et le tout formant comme une boucle : l’archiviste pour le classement archivistique de la création, le chercheur pour l’histoire d’une œuvre et d’une vie de création, le créateur pour l’archivage de ses propres créations ou de sa création à partir d’archives.

Si ces interrogations participent du resserrement du lien entre histoire et mémoire, si caractéristique de la contemporanéité patrimoniale née des dernières décennies du XXe siècle, il n’en reste pas moins qu’appliqué au domaine de la création, celui-ci se révèle paradoxal, voire problématique : l’archive ayant en charge l’advenu, et la création tendant vers l’inédit. Témoignage ou dépassement, deux manières d’instruire le rapport à l’avenir, qu’une tendance de la création contemporaine, inspirée par des archives redécouvertes et empruntées, aura pourtant cherché à rapprocher dans une éthique renouvelée de la transmission. Une conjugaison, très actuelle, au futur antérieur aura visé dans maints domaines – philosophiques, esthétiques – à renouer la chaîne des temps, à réconcilier les contraires. Cependant, l’emprise qui constitue le geste archivistique par excellence n’excède-t-il pas les mouvements de l’imagination créative pour laquelle tout n’a pas forcément fonction de laisser une trace ? N’y aurait-il pas un irréductible « inarchivable », par là-même à jamais absent mais notifié par le creux laissé, tel un signal avertisseur, rendant vaine toute volonté d’enregistrer, d’inscrire, de mémoriser. Comment le penser ? Comment lui conférer un statut qui puisse aiguillonner la réflexion épistémologique ? A y regarder de plus près, cette association de mots que convoque « archive(s) » et « création(s) » ne va finalement pas forcément de soi, ou alors met en jeu une sensibilité, voire une hantise, contemporaine qui pourrait être relue à nouveau frais : de quoi est-elle faite ? que veut-elle dire ? de quoi est-elle le signe, voire le symptôme ? qu’est-ce qui échappe à son périmètre ? qu’exclue-t-elle ?

Atelier organisé par Louis Hincker et Marianne Jakobi (CHEC – UCA)

Avec la collaboration de Fabrice Flahutez (ECLLA- Un. Saint-Etienne)

Une journée d’étude organisée en septembre a ouvert ce chantier de recherche, dont on trouvera le résumé ci-dessous. Durant le programme 2021-2025, les activités se poursuivront à l’occasion de rencontres régulières avec les collègues partenaires de cette initiative.