Axe 3 : "Archéologie et histoire des territoires : dynamiques et représentations"

Durant le prochain quinquennal, les participants à l’axe 3, archéologues, historiens, historiens de l’art et civilisationnistes, ont pour ambition de réinterroger la notion de territoire, dans ses multiples dimensions – politiques, économiques, sociales, culturelles, religieuses, environnementales – et dans une perspective interdisciplinaire, diachronique et comparatiste. Au-delà de la dimension institutionnelle du territoire – comme forme d’organisation de l’espace en vue d’administrer les choses et les hommes – il s’agira d’appréhender la variété dans le temps et dans l’espace des pratiques matérielles et symboliques à l’œuvre dans la construction des territoires ; de saisir ces derniers au cœur d’un système multiscalaire, interagissant avec des temporalités et des jeux de flux complexes dans la longue durée ; de rendre compte des savoir-faire fondateurs de territoire (approprier, valoriser, habiter, communiquer et gérer) et de la multiplicité des acteurs qui participent, par leurs actions et leurs jeux de pouvoir, de manière concrète mais aussi symbolique, à la production du territoire.
Le Massif Central continuera de constituer un véritable laboratoire pour les recherches conduites par les archéologues et les historiens. Mais de nouveaux espaces voisins (vallée du Rhône, Dauphiné, Provence et Languedoc, grandes villes et ports méditerranéens) ou plus lointains (Portugal, Italie, Chypre, Israël, Proche-Orient, États-Unis) offriront la possibilité d’analyses comparatives et la prise en compte de l’effet des flux globaux. La question de la moyenne montagne, centrale pour les recherches du précédent quinquennal, sera ainsi replacée dans un contexte plus global. Les travaux que conduiront les participants à l’axe 3 au cours du prochain quinquennal s’articuleront autour de trois thématiques principales, souvent en interaction :

Thème 1  : Dynamiques spatiales du développement des territoires

  • Dynamiques des systèmes de peuplement et des paysages
    C’est un des thèmes de recherche central de l’équipe DYSPATER, qui mobilise notamment de nombreux étudiants de master et doctorat sur l’espace auvergnat, mais désormais aussi limousin. Ces recherches – fréquemment ouvertes au paléoenvironnement et à l’interdisciplinarité à travers une réflexion sur le rôle des interactions sociétés-milieux dans la construction des paysages – se prolongeront dans des programmes nationaux (Zone Atelier Loire de l’INEE-Cnrs) et internationaux (sur le thème de l’organisation et de la mise en valeur des campagnes à l’époque romaine, en Gaule, en Italie et au Portugal). Les collaborations entre antiquisants et médiévistes, déjà fréquentes, généreront de nouvelles dynamiques de recherche sur la question du peuplement à l’époque médiévale (Limagne, Combrailles, Cézallier). La réflexion engagée sur les marqueurs de développement sera prolongée par des recherches sur les modes et les modèles de développement des territoires.
    Au cours du prochain quinquennal, de nouvelles fenêtres d’investigation seront ouvertes en Auvergne, en Limousin et dans la partie méridionale du Massif Central par les archéologues et les historiens antiquisants et médiévistes. Les fenêtres déjà actives feront l’objet d’études plus poussées en fonction du potentiel archéo-environnemental (fouilles, sondages, analyses paléoécologiques et géochimiques). Le renforcement de la collaboration avec l’Unité d’Archéologie de l’Université du Minho (Braga, Portugal) permettra de développer une démarche comparatiste déjà engagée sous l’angle de la modélisation des dynamiques des systèmes de peuplement. À terme, l’objectif est de constituer un réseau de 32 recherche international sur l’histoire et l’archéologie de la moyenne montagne sur la longue durée.
  • Villes, urbanisme, élites et réseaux urbains
    Les travaux précédemment conduits au sein de l’axe 3 ont mis en lumière le rôle central des « oppida », des « agglomérations secondaires » et des « petites villes » dans le développement régional depuis l’Âge du Fer jusqu’au Moyen Âge central, ainsi que celui des élites urbaines au sens large. La particularité de l’équipe clermontoise est de croiser cette thématique avec celle de la moyenne montagne.
    Les fouilles, déjà avancées, seront poursuivies sur Néris (PCR Neriomagus – Aquae Nerii. Néris-les-Bains, Allier), tandis que l’agglomération secondaire de Vichy/Aquis Calidis fera l’objet d’un atlas topographique. À travers la reprise du corpus épigraphique des Lémovices, après celui des Arvernes, il sera possible de mieux caractériser les élites urbaines et leur insertion dans les territoires. Ces diverses données alimentent des travaux de synthèses sur la question des agglomérations secondaires en Gaule. Un réseau « agglomérations secondaires antiques » sera constitué à l’échelle du Massif Central. Parallèlement, les fouilles sur le municipe d’Ostra (en lien avec l’Université de Bologne) et sur la ville de Délos (en lien avec l’École française d’Athènes) seront prolongées, et une nouvelle fouille sera ouverte en Italie méridionale.
    Les collègues médiévistes, archéologues comme historiens, ont fait également de ce thème une priorité, d’une part sous l’angle de l’application de la méthode de la centralité (projet de mise à disposition d’un catalogue de plus de 500 « localités centrales » du Massif central et du Morvan et leurs marges pour la période IXe - début XVIe siècle) ; d’autre part quant à l’étude des flux (petites villes et routes, hôpitaux et léproseries, implantation des ordres militaires, circulation monétaire, relations commerciales, artistiques). Une collaboration a été initiée avec l’Université Nouvelle de Lisbonne sur la comparaison, entre Portugal et France centrale, des modes et des rythmes de développement des petites villes et de leur maillage à l’époque médiévale, pendant de la collaboration engagée sur ce thème par les antiquisants avec l’Université de Braga, sur le site de Grumentum (Potenza, Basilicate).

Thème 2 : Techniques, échanges, aménagements

  • La gestion de l’eau et les techniques hydrauliques
    La gestion des zones humides est au coeur des recherches conduites par les archéologues tant en Limagne que dans les zones de moyenne montagne. Elle a conduit à développer de multiples collaborations interdisciplinaires dans le domaine paléoenvironnemental. Ces travaux seront poursuivis dans les différentes fenêtres d’études, notamment en ce qui concerne les systèmes de drainage et la pollution d’origine minière des tourbières. À Néris, les prospections et la fouille des aqueducs permettront d’élargir la thématique aux questions de techniques hydrauliques et d’alimentation en eau en milieu urbain.
  • Production, transformation, échanges
    Cette thématique sera abordée à travers différents types d’approches (fouilles, analyses, typologies, synthèses, études paléoenvironnementales ; saisie des flux d’échanges commerciaux à travers la documentation écrite médiévale). Les recherches sur les mines d’or gauloises seront élargies aux mines d’argent. De nouveaux types de productions feront l’objet de recherches, notamment les meules en matériaux volcanique (inventaire, approche techno-typologique, identification des carrières, traçage de la diffusion). Une étude sera lancée sur les circulations d’amphores dans le Massif Central à l’époque romaine. Une réflexion collective et comparatiste sera développée sur le thème de l’organisation sociale de la production artisanale au sein de laquelle trouveront place les travaux sur l’archéologie du textile au Proche-Orient, ainsi que les recherches sur la construction, les techniques et les transferts durant la période médiévale centrale. Une étude diachronique sera initiée sur la construction des réseaux de distribution et leur rôle comme points nodaux dans la structuration et la représentation des territoires de moyenne montagne aux XIXe et XXe siècles.
  • Du chantier au monument
    Ce thème de recherche interrogera le monument sous différents angles (projet architectural, chantier et techniques de construction, transferts, fonction et insertion dans l’espace, lieu de mémoire, recyclage, patrimoine, restauration, conservation, durabilité). Le programme Belvoir, en cours, outre l’étude archéologique et architecturale de ce site hospitalier daté fin XIIe-début XIIIe s, débouchera sur une approche comparatiste des technologies franques et ayyoubides. Par bien des aspects, ces recherches continueront d’alimenter le programme DYSPATER (datation et caractérisation des églises et des châteaux ; codirections de mémoires de Master et de Doctorat). Durant le prochain quinquennal, cette thématique du monument trouvera des prolongements dans l’étude de l’urbanisme et des espaces publics en milieu urbain à l’époque romaine (saepta d’Ostra et hospitalia du complexe routier et cultuel du col de Ceyssat, au pied du Puy de Dôme).

Thème 3  : Représentations et cartographie

Les cartes cherchent à représenter le monde, ses lieux, ses territoires, ses paysages, pour mieux les comprendre. Ce faisant, elles révèlent aussi l’imaginaire géographique des sociétés qui les conçoivent. La cartographie, support de l’analyse des structures spatiales, nourrit la réflexion conceptuelle d’une part sur la représentation cartographique des lieux et d’autre part sur l’évolution des articulations territoriales en « semis », « trame », « maillage », « réseaux ». Dans cette perspective, le programme « Atlas historique régional » (comprenant l’Auvergne et ses marges) est construit à l’échelle de communautés humaines précises mais il comprend aussi un territoire suffisamment étendu pour témoigner de la complexité du processus historique. Loin de considérer l’espace régional pour lui-même, tel un îlot coupé du contexte national et international, l’entreprise, par la collecte raisonnée des données et l’interrogation sur les limites et confins, permettra d’illustrer combien l’espace est structuré par les rapports sociaux. Il importe également de poursuivre cette réflexion géo-historique sur le temps long.
Le premier tome, intitulé Territoires, Espaces et Représentations, s’intéresse aux différentes formes de représentations cartographiques de l’espace régional, de ses territoires et de ses lieux. En prenant appui sur l’acquisition des données et les bases constituées pour le premier opus, l’équipe produira plusieurs volumes thématiques. Chacun d’entre eux pourra s’appuyer sur l’exploitation sérielle de données rassemblées grâce à des travaux antérieurs ainsi que sur des enquêtes complémentaires. La valorisation de fonds patrimoniaux conservant des cartes anciennes sera poursuivie. À l’image du volume initial, diachronique et pluridisciplinaire, l’ensemble des membres du laboratoire est appelé à participer à leur réalisation, de même que des contributeurs extérieurs.
Nous souhaitons également mettre à disposition du public plusieurs types de documentation : des fonds de cartes historiques compatibles avec les outils de cartographie actuels (SIG), des séries de données et des analyses qui complèteront les notices parues dans l’atlas imprimé. Ces fichiers seront diffusés via une plateforme de téléchargement en libre accès, développée en partenariat avec la MSH de Clermont-Ferrand.